Resumo

Le gouren ou lutte bretonne pratique populaire dont les origines sont attestées dès le Moyen Age, était alors une véritable démonstration de force et d’habileté. Aujourd’hui sport à part entière, la pratique gagne les nouvelles générations attirées par la richesse motrice et la convivialité que lui reconnaissent ses adeptes. L’investigation anthropo-historique de ses manifestations régionales met en évidence, depuis la première fédération érigée en 1930, une volonté affirmée de conjurer la violence et d’entretenir l’intégrité physique des lutteurs au nom de l’éthique ancestrale. Pourtant, les entretiens menés en 2006 auprès de lutteurs bretons d’un même skol (club, école de lutte), les observations et notre expérience en la matière, nous permettent de nuancer le rapport de ces acteurs aux violences. Le gouren, en s’imposant historiquement comme une forme réglementée de contrôle social de la violence physique n’en est pas moins réinvesti par d’autres formes de violence. En effet, le rejet de certaines d’entre elles, notamment les violences physiques et les formes les plus visibles, par les gourenerien (lutteurs) fait écho à cette tendance séculaire de transformation des tensions émotionnelles et des contraintes sociales décrites par Elias. Mais, dans le même temps, la violence se redéfinit sous une forme plus intériorisée, incorporée et symbolique. Dans ses dimensions moins visibles, la violence prend alors des significations plus diffuses touchant notamment aux relations de genre, à la mise à mort symbolique de soi et de l’autre, aux dérives engendrées par l’inclinaison au modèle compétitif, aux tensions hiérarchiques face à la légitimité des modèles de pratiques. Mots clés: gouren - violences - sportivisation